La Quatrième Rose


Je connais un jeune homme fort sympathique ; un Africain de Guinée Equatoriale. Il est venu me voir à mon bureau et m’a dit soulagé, que le Ciel venait de le sortir d’un mauvais pas. Heureux, il n’arrêtait pas de dire des louanges et cédant à ma grosse insistance, il consentit de me dire l’histoire que voici :
Moi Miguel Guémah que voici, je me suis marié récemment dans mon pays, la Guinée Equatoriale. Je suis rentré chez moi ici à Paris, pour préparer l’arrivée de mon épouse. C’est très bien, lui dis-je. Il me raconta, après avoir marqué un temps d’arrêt, qu’il doit faire des démarches pour faire venir son épouse. Je sais cela, lui dis-je car, je fis cela en mon temps. Je vais savoir, me dit-il comment je dois faire. Je sais aussi, me dit-il, que j’ai des amis et des collègues à qui, mais pas à tous, je dois apprendre la nouvelle, dit-il tout soucieux. J’ai, ajouta-t-il, eu tellement d’échecs dans ma vie amoureuse que je veux protéger ma nouvelle situation mais, voilà, il est arrivé quelque chose d’extraordinaire.
Quoi donc, lui demandais-je. Alors, il me raconta que, à son retour de Guinée ; et pendant  qu’il se posait des questions sur la stratégie comportementale à mettre en place pour se protéger des assauts des filles, une ancienne relation, Nahoumie, l’a appelé au même moment comme si elle avait soupçonné quelque chose et voulait tout vérifier séance tenante. Elle voulait absolument le voir, non pas dans un lieu public comme ils le faisaient et l’ont toujours fait, mais chez elle. Notre ami fut pris de panique mais donna néanmoins son accord. Sachant que Nahoumie son amie avec qui il n’a jamais était question de relations très amicales et qu’ils n’ont jamais consommé charnellement ces relations, redoutait de se retrouver dans un endroit favorable au débordement amoureux de son amie qui pouvait le pousser à la consommation de cette amitié. Pourquoi.
Son amie Nahoumie était fort jolie, plantureuse, et n’avait jamais caché qu’elle le voulait dans son lit, même pour une minute, et lui avait toujours dit, par quelques détours verbaux, qu’elle n’hésiterait pas, si le Ciel lui laissait avoir une occasion, de l’entraîner sous sa couverture. Il savait aussi que son amie Nahoumie, lorsqu’elle lui collait des baisers sur ses joues l’ébranlait et qu’elle pouvait lui faire perdre sa tête en ajoutant au geste un petit toucher de ses douces mains. Il savait en plus, qu’il a toujours évité d’être trop collé à elle lorsqu’ils s’embrassaient car, sa généreuse poitrine le faisait fondre en se frottant à lui et que, parfois, n’eût été le fait d’être en public chaque fois qu’ils se rencontraient, qu’il n’aurait pas empêché son amie de faire de lui ce qu’elle voulait. Alors, il redoutait ce moment de rencontre, programmé dans un endroit que contrôlait son amie, l’amie qui pouvait à loisir fermer la porte et cacher les clefs dans son soutien-gorge, manière de l’obliger à aller y plonger la main.
Notre jeune marié, le jour du rendez-vous, fit sa prière, résolut de dire dès son arrivée chez son amie Nahoumie qu’il venait d’être marié, et qu’il aimait comme les dieux le conseillent sa nouvelle femme. Il prit aussi trois couvre-chefs en se disant que, si son amie Nahoumie toute excitée arrivait à l’entraîner dans son lit malgré lui, et que, prisonnier de sa couverture il était obligé de se déchausser, et, même sans ses forces, il mettrait quand même ses trois couvre-chefs pour préserver sa chasteté ou son innocence.
Le jour du rendez-vous, non loin du lieu du rendez-vous, il entra dans une boutique de vente de fleurs, commanda deux roses. La vendeuse dubitative répéta : deux roses, Monsieur ? Notre jeune marié dit oui,  puis, demanda à la vendeuse : Je vais voir pour la première fois une personne que je ne connais pas. Selon vous, combien en faut-il, La vendeuse lui dit : les gens prennent généralement trois. Oui, fit le jeune marié Miguel ; trois c’est bien ; mettez-moi trois donc.
Lorsqu’il demanda trois roses, il pensait à la trilogie religieuse ; à la sainteté de son acte en se disant que, en offrant les trois roses, le Ciel sera clément avec lui et avec son amie Nahoumie. A son amie d’abord parce que la beauté des roses enlèverait à celle-ci sa volonté de le mettre dans son lit et à lui, le jeune marié ensuite, parce que le Ciel aura à cœur de préserver son innocence, sa chasteté et sa fidélité à son épouse resté en Guinée Equatoriale car pensait-il, par son geste, il aura fait preuve d’une grande amitié et sans arrière pensée charnelle.
Sauf que, la vendeuse, bien qu’elle mit trois roses et en fit en paquet fort joli, ajouta une quatrième rose qu’elle attacha au paquet. La quatrième rose était de plus. Le jeune marié Miguel vit dans cet acte la rupture de la trilogie et une manigance satanique. Il fit une dernière prière, demanda au Ciel de l’épargner des assauts amoureux de Nahoumie son amie, de préserver son innocence et son mariage.
Sortie de l’instant de prière, il téléphona à son amie et lui demanda de venir le chercher à la station de métro Vaugirard comme elle le lui avait promis. L’amie ne répondit pas au téléphone. Il dû appelé encore deux ou trois fois. Au quatrième appel, il laissa un message vocal puis, pour être sûre que son amie n’avait pas oublié leur rendez-vous appela une dernière fois. Cette fois-ci, l’amie décrocha, l’engueula car, dit-elle, il était en retard. Elle aurait souhaité qu’il soit là, pour 14 heures. Nous aurions mangé puis joué, dit-elle. Maintenant, je suis fatiguée et ruinée par la colère, fit-elle savoir. La colère passée, elle lui demanda s’il n’avait pas le temps le lendemain pour que, tous les deux, ils puissent reprendre calmement les choses. Notre jeune marié, pour calmer Nahoumie, se dépêcha de s’accabler de toutes les fautes du monde mais, assura qu’elles étaient toutes, sans exception, involontaires, puis tenta pour faire accepter son entreprise, lui adressa ses « mille excuses », et ajouat que c’en n’était rien; que ce sera pour une autre fois, ce rendez-vous manqué, si, bien entendu, le Grand Dieu qui est dans les cieux le voulait bien.
Il était content de s’être sorti de la situation, raccrocha le téléphone, se précipita dans le métro, dans le ventre de Paris en sifflotant une joyeuse chanson. A la station d’après, il mit son bouquet à la poubelle, et après avoir dit merci, posé un gros bisou sur la quatrième rose, dit ses remerciements au Ciel qui venait de lui éviter un combat amoureux où il n’était pas certain de sortir indemne, lui qui maintenant pouvait avouer tranquillement, qu’il ne savait pas comment résister à la fougue amoureuse de son amie Nahoumie si celle-ci avait décidé de faire de lui le prisonnier de son amour.

Daniel Tongning
  13 nov. 2013


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