Surprise du chef et Sursaut d’orgueil ou l’exception camerounaise
Le Cameroun est un pays merveilleux. Les camerounais ne sont pas en reste. Chacun là-bas s’estime dépositaire de la vérité. On y débat sur tout et sur rien et ne s’écoute pas. Même pour la gestion de l’Etat qui est la chose commune et octroie des droits de regard aux citoyens. L’organisation de la Can confiée au Cameroun a connu ce qu’on appela glissement de date puis le changement de pays organisateur et la suggestion de report de date. Devant l’incapacité à livrer à temps les infrastructures nécessaires à la fête du football, l’idée d’un second changement voir d’un report de la compétition fut fortement discutée.
Le Cameroun s’est démené et au bout du compte, a eu l’assurance que la compétition ne lui sera pas retirée et ne sera pas reportée. Dans le meilleur des cas, on aurait dû assister à une surprise du chef (I) mais au contraire, on assista, après des péripéties, à un sursaut d’orgueil (II) qui confirme une exception camerounaise dans les manières de faire et de gérer les choses (III).
I - La surprise du Chef
Lorsque l’organisation de la Can 2019 fut attribuée au Cameroun, on s’attendait à ce que ce pays, cinquante ans après l’organisation de sa première Can, présentât à la face de l’Afrique et du monde un ensemble de structures et une organisation pour la fête continentale du football, et ajoutât à sa notoriété plus de considération dans le monde.
A
la surprise générale, à l’heure dite, rien n’était prêt. L’Egypte, au pied levé
dut le remplacer et organiser la fête du foot africain. La réputation du
Cameroun était en berne. Dans les débats, les gouvernants responsables de cet
échec, en communion avec ses supporters eurent ce débat fort intéressant
pendant lequel, toutes les critiques mettaient en cause la méthode et les
manières de gérer la chose des gouvernants, donnèrent à voir des responsables
qui donnaient l’impression de tout savoir sur tout et d’avoir une solution à
tout problème alors-même que la réalité était autre.
Leurs
contradicteurs, à l'inverse, leur renvoyaient
des propos qui les replongeaient dans le
glorieux passé d’un pays qui avait su bien organiser l’édition qu’il eut à s’en
occuper des décennies plus tôt. Le public, peuple du Cameroun que chaque camp
veut séduire avait, lui aussi les souvenir de ce temps glorieux du football
camerounais. Mais ni les gouvernants, ni ses contradicteurs, ni même le peuple,
n'avaient le même point de vue sur ces souvenirs sinon beaucoup moins.
Mais, tous étaient, chacun dans son camp, d’accord qu’il restait à construire et à organiser la Can et chacun, dans les chaumières souhaitait un sursaut, un sursaut d’orgueil pour qui aime ce Cameroun que le Camerounais estime très grand.
II- Sursaut d’orgueil
Critiqué de partout, les gouvernants ont eu ce mouvement instinctif des gens qui se redressent brusquement sous l'effet d'une vive surprise, et qui, comme un seul homme ont, tout en fustigeant les critiques crié à l’agression. L’exigence, c’était qu’ils réagissent. Dans leur réaction, il ne s’agissait pas ici, pour eux, de la reconnaissance d’une quelconque erreur, mais d’une réaction par laquelle ils se confortaient dans leur position après une période de battement, et voulurent restaurer un orgueil blessé. De la mauvaise gestion, il n’en était pas question ; de la reconnaissance des errements, il n’en était pas question et éviter un retrait, un nouveau glissement de date prévalut et on le sentit.
Mais,
est-il une mauvaise chose d’avoir un certain orgueil ? Non ! C'est ce que l’on
souhaitait au Cameroun et l’eut. Mais y a-t-on assisté au renoncement de l’exagération ? Ici, on s’aime trop
au point d’oublier qu’aimer son pays, c’est écouter tout le monde y compris ses
détracteurs car les bonnes idées sont dans la nation.
L’orgueil
des gouvernants camerounais, au vu des débats qui les ont opposé à la télévision
à leurs opposants, fut de penser qu’ils valaient mieux que les autres, en raison
de leurs qualités des gouvernants, d’autorité, et de dépositaires de la force
légitime. Du coup, en déployant une attitude orgueilleuse, ils attiraient à eux l’hostilité des autres et des peuples.
Or,
même si s’aimer est important,
l’orgueil conduit à dépasser les limites et agace tout le monde puisque
doué de l'absence de l'humilité. Dans la vie de chaque jour c’est intéressant de
remarquer combien l’orgueilleux, la plupart du temps, fait preuve d’un égoïsme
incroyable et, sans empathie, vit avant tout pour lui. Il n’écoute pas, il guerroie
et cela a un effet négatif sur les autres et sur leur appréciation.
Les gouvernants camerounais qui, à aucun moment n’ont été lâchés par la critique, ont eu en dernier ressort ce sursaut d’orgueil qui les a conduit à s’aimer d’avantage et ont tout fait, non pas pour le Cameroun, mais pour pouvoir dire : Voyez-vous, nous avions dit que ça se fera et cela s’est fait. Ce sera vrai, c’est juste ce qui sera dit mais à quel prix. Ils seront plus humbles en reconnaissant à la critique, un rôle salvateur, une critique qui fut l’aiguillon nécessaire au réveil et au sursaut.
III - Une exception camerounaise
On a pu percevoir un comportement qui peut l’être ailleurs que dans ce pays. En quoi cette situation a révélé une exception camerounaise ? L’exception camerounaise, pour oser une définition, se caractérise par certaines spécificités, actuelles ou passées du Cameroun par rapport aux autres pays d’Afrique, voire du monde dans les secteurs géographique, culturel et comportemental par exemple.
Géographiquement,
il est, comme aime le dire ceux qui connaissent ce pays, l’Afrique en miniature.
Ce pays, en forme de triangle, à sa base qui longe le deuxième degré de la latitude
Nord et son sommet atteint le treizième parallèle. Sur le plan culturel, c’est
une mosaïque des cultures qui ont adopté deux autres pour échanger à l’interne
comme à l’externe : l’Anglais et le français.
Sur le plan du comportement, bien qu’il partage ceci avec nombre des pays d’Afrique, il pratique une sorte de syncrétisme comportemental qui mélange les manières locales et occidentales avec, selon les régions, un fort penchant ethnique qui, sur le plan global conduit à des exagérations ou exaspérations lorsqu’il s’agit de l’expression nationale. On assiste à la personnalisation voir à la déisation de l’homme du pouvoir. L’hégémonie de la puissance de l’argent y rend tous les acquis humains fongibles et là, on a un rétrécissement des horizons qui implique du même coup la perte du sens.
Au
total, l’édition 2022 de la Can aura montré un Cameroun qu’on ne connaissait et
qu’on interrogera encore et dont le sursaut d’orgueil même louable reste soupçonnable,
le tout renforçant la singularité d’un pays que l’on aime bien et que l’on
voudra plus grand.
Daniel TONGNING
Décembre 2021
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