L’indignité dans la gouvernance : une trahison du pacte démocratique
Le concept d’indignité dans la gouvernance renvoie à une perte de légitimité morale ou politique chez ceux qui détiennent le pouvoir, souvent en raison de comportements contraires à l’éthique, à la justice ou à l’intérêt général. A la veille des élections d’octobre en Afrique noire, le cas du Cameroun est intéressant en ce qu’il doit être enseigner dans les facultés des sciences politiques.
La gouvernance, dans son essence la plus noble, repose sur un pacte implicite entre les gouvernants et les gouvernés : celui de la confiance, de la responsabilité et du service de l’intérêt général. Lorsque ce pacte est rompu, non par erreur mais par cynisme, par corruption ou par mépris des principes fondamentaux, c’est l’indignité qui s’installe au sommet de l’État.
L’indignité
dans la gouvernance ne se mesure pas seulement à l’aune des scandales
financiers ou des abus de pouvoir. Elle se manifeste dans les silences
complices, les promesses trahies, les décisions prises au mépris des plus
vulnérables. Elle s’incarne dans ces dirigeants qui, au lieu d’élever la parole
publique, l’avilissent ; qui, au lieu de servir la Nation, se servent d’elle.
Cette
indignité est d’autant plus pernicieuse qu’elle sape les fondements mêmes de la
démocratie. Elle engendre la défiance, nourrit le populisme, et pousse les
citoyens à se détourner de la chose publique. Quand les élites deviennent
indignes, le peuple perd ses repères, et la République vacille.
Il
ne s’agit pas ici de réclamer une pureté impossible, ni de juger sans nuance. Mais
il est urgent de réhabiliter l’exigence morale dans l’exercice du pouvoir.
Gouverner, ce n’est pas dominer : c’est incarner. C’est porter, avec dignité,
les espoirs et les douleurs d’un peuple. C’est accepter que l’autorité ne vaut
que si elle est exemplaire.
Face
à l’indignité, il faut opposer la vigilance citoyenne, le courage des
contre-pouvoirs, et la force du droit. Il faut rappeler que la grandeur d’un
dirigeant ne réside pas dans sa puissance, mais dans sa capacité à rester
fidèle à l’éthique, même lorsque cela coûte.
Prenons
le cas du Cameroun ; appliquons-y le concept d’indignité dans la
gouvernance en intégrant les réalités spécifiques du pays. Au prime abord, on
dira que, parler de l’indignation dans la gouvernance, c’est parler d’une
démocratie en souffrance.
Au
Cameroun, l’indignité dans la gouvernance n’est plus une abstraction théorique
: elle est devenue une réalité quotidienne, palpable dans les institutions, les
discours politiques, et surtout dans le vécu des citoyens. Elle se manifeste
par une corruption endémique, une répression des voix dissidentes, et une
gestion opaque des ressources publiques.
Classé
parmi les dix pays les plus mal gouvernés d’Afrique selon le rapport 2024 du
World Economics, le Cameroun souffre d’un déficit criant en matière de
transparence, d’état de droit et de liberté politique. L’indice de perception
de la corruption le place à la 140ᵉ position sur 180 pays, révélant une
gouvernance fragilisée qui freine le développement et mine la confiance des
citoyens.
Les
exemples sont nombreux : des budgets adoptés sans débat, des rapports
financiers incomplets ou falsifiés, des abus commis par les forces de sécurité,
comme l’agression de Maître Richard Tfou, avocat victime de violences pour
avoir défendu la justice. Ces actes ne sont pas isolés : ils traduisent une
banalisation de la violence institutionnelle et une impunité qui gangrène
l’État.
Dans
ce contexte, l’indignité devient structurelle. Elle n’est plus le fait de
quelques individus, mais le symptôme d’un système verrouillé, où le pouvoir se
confond avec l’intérêt personnel, et où l’exemplarité n’est plus un critère
dissuasif. Le président, au centre de toutes les décisions, incarne une
personnalisation extrême de l’État, réduisant les contre-pouvoirs à des rôles
décoratifs.
Face
à cette indignité, le peuple camerounais ne reste pas silencieux. Des
mobilisations citoyennes, des appels à la réforme, et une société civile de
plus en plus active témoignent d’un désir profond de changement. Mais ce désir
se heurte à un mur d’inertie politique et de répression.
Il
est temps de rappeler que gouverner, c’est servir. Et que l’indignité dans la
gouvernance n’est pas seulement une faute politique : c’est une trahison du
pacte démocratique. Pour que le Cameroun retrouve sa dignité, il faudra plus
que des réformes techniques : il faudra une révolution morale, portée par le courage,
la justice et la vérité
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