Présidentielle 2025 au Cameroun : quand les mots deviennent des armes politiques
Sur Facebook, une réflexion signée par Monsieur Famé DONGO a attiré l’attention : « La candidature du MANIDEN a été rejetée pour pluralité d’investiture et non pour pluralité de candidature. Nuance, il faut faire la distinction sémantique selon une vision aristotélicienne de la sémiologie linguistique. » Cette phrase soulève une question essentielle : à quel moment le langage électoral devient-il un outil stratégique d’exclusion, plutôt qu’un vecteur de démocratie ?
Deux termes, deux réalités
Dans le champ politique, candidature et investiture ne désignent pas la même chose. Une candidature est une expression individuelle. C’est un citoyen qui se lance dans la course électorale, avec ou sans soutien. Une investiture, en revanche, est un sceau officiel posé par un parti. Elle confère une légitimité institutionnelle et traduit une volonté collective.
Alors que la pluralité de candidatures est souvent célébrée comme un signe de démocratie vivante, une pluralité d’investitures; surtout dans le même parti, peut être interprétée comme une faille, voire une ruse interne.
Et en France, comment ça se passe ?
Les médias français valorisent généralement la diversité des candidatures : plus de choix, plus de débat. Mais lorsqu’un même parti soutient plusieurs candidats, c’est autre chose… On parle alors de “candidats dissidents” ou “d’investiture contestée”, des termes chargés de sens qui orientent la perception du public. Le langage devient un acteur politique à part entière.
Et au Cameroun, la pluralité devient un piège
En vue de la présidentielle camerounaise de 2025, ELECAM (le Conseil électoral) a rejeté la candidature de Maurice Kamto, pourtant investi par le MANIDEN. Motif ? Trop d’investis pour un seul parti.
Étonnant, non ? Ce qui devrait être un gage de choix démocratique se transforme en justification administrative pour exclure un acteur majeur de l’opposition. Et pendant ce temps, le président sortant, lui, reste dans la course.
Quels recours quand la règle devient une arme ?
Quand la règle semble être utilisée pour écarter certains et protéger d'autres, plusieurs voies de recours existent :
Juridiques, d’abord : les tribunaux administratifs ou électoraux peuvent être saisis.
Internationaux, ensuite : la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) reconnaît le droit à des élections libres et peut être interpellée si les mécanismes d’exclusion deviennent abusifs.
Citoyens et médiatiques, enfin : alerter l’opinion publique, mobiliser les médias et interpeller les ONG peut faire bouger les lignes. Car la démocratie se défend aussi dans la rue et sur les écrans.
Quand les mots excluent, la vigilance s’impose
Cet épisode camerounais nous rappelle une vérité dérangeante : en politique, les mots ne sont jamais neutres. Ils peuvent ouvrir le débat… ou l’enterrer. “Pluralité”, “investiture”, “candidature” – autant de termes qui, selon qui les utilise et comment, peuvent légitimer ou disqualifier une voix.
Dans un monde où l’apparence démocratique peut servir à masquer des stratégies de contrôle, il est crucial de décortiquer le langage. Car comprendre les mots, c’est souvent comprendre les intentions cachées.
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